Je ne sais pas si je vivrai
assez longtemps pour vous confier la terrible vérité que je viens de découvrir,
une vérité que certains veulent cacher car elle pourrait bien menacer
l'existence même de l'homme à la surface de cette planète...
Oui, il s'agit officiellement
du clocher de l'église Saint Géraud à Aurillac qu'une respectable entreprise
est en train de restaurer... Du moins est-ce ce qu'on voudrait nous faire croire.
La forme de cet intrigant
échafaudage m'avait pourtant mis la puce à l'oreille et j'avais donc décidé de
mener l'enquête et de "lever le voile" sur ces surprenants travaux...
Aujourd’hui, je sais, et mon
esprit vacille au bord de l'abîme grimaçant de la folie... Des ombres étranges
me guettent que ne génèrent aucune lumière et je me méfie jusqu'aux angles des
murs de mon bureau où je me suis claquemuré pour écrire ce texte.
Il faut que je partage ce
savoir avec vous avant qu'ils ne me retrouvent, car je les sais qui dévorent déjà
leur chemin vers moi à travers le temps pour me faire disparaitre et sceller
avec moi ce terrible secret.
Il faut que je vous raconte.
Il faut que je vous raconte.
Comme certains d'entre vous
doivent déjà le savoir, vers l’an 945 naissait, à Belliac, près d’Aurillac un
jeune pâtre qui, remarqué par les moines pour son esprit vif, fut recueilli par
ces derniers au monastère bénédictin fondé par Saint-Géraud.
En 963, le Comte Borrell II de
Barcelone, en route pour Rodez, fit halte à Aurillac, le remarqua, et l’emmena
avec lui pour poursuivre son instruction dans les abbayes catalanes parmi les
plus brillantes de l’époque du fait de leur contact avec le califat omeyyade de
Cordou.
On connait la suite :
Gerbert devint un lettré, qui introduisit les mathématiques en France, et
devint Pape en 999 sous le nom de Sylvestre II et ce jusqu’en 1003… Le Pape de l’an
mil… Cette période terrible de présages et de phénomènes inexpliqués…
Car ce que les biographes officiels
ne savent pas, c’est que Gerbert, dans une des bibliothèques d’un monastère
catalans, trouva un livre volé dans la bibliothèque du calife Al-Hakam II alors
une des plus riches de cette époque… Un livre écrit en arabe, et rédigé par un
sage devenu fou : Abdul al-Hazred… Le Nécronomicon.
Or, parcourant les pages de
cet effroyable ouvrage, cette porte ouverte sur un savoir ancien et interdit,
Gerbert y perdit à la fois sa raison et son âme et tomba sous la coupe de
puissances immémoriales pour qui :
« N’est pas mort qui a jamais dort et en d’autres éternités peut mourir
même la mort. »
Les Grands Anciens… Et parmi
eux… Le Grand Cthulhu pour qui montent de quelques coins reculés du monde, où ses
disciples célèbrent encore son culte impi et sanglant, les syllabes immondes de
ce chant maudit :
« Ph'nglui mglw'nafh cthulhu r'lyeh wgah'nagl fhtagn »
Que l’on peut traduire par ces
mots sinistres :
« Dans sa demeure de R’lyeh
la morte, Cthulhu attend et rêve. »
Il attend que les astres soient
alignés, que ses disciples infernaux célèbrent son retour par les rituels
appropriés, pour que sa cité engloutie au milieu du Pacifique remonte à la
surface, que les portes de son tombeau s’ouvrent et les hommes et leur monde
sombreront dans les ténèbres et la démence.
En l’an mil, Gerbert, œuvrant
dans l’ombre pour son maître faillit réussir, pour preuve, les terribles
équations mathématiques qu’il mit au point et les phénomènes extraordinaires et
les visions terribles, les évènements funestes et les monstres qui émaillèrent
cette période troublée…
Mais Gerbert échoua, la conjonction était passée, les astres n’étaient plus
alignés, son maître devrait attendre mille ans encore avant que les conditions
pour son retour soient réunies.
Gerbert fit donc croire à sa
mort en 1003...
Mais ce qu’ignoraient ces
contemporains, c’est que son maître, par quelque terrible pacte, lui avait
donné le don de longue vie. Gerbert ne mourut pas, mais plongea dans une
profonde catalepsie. Ses disciples récupérèrent son corps et vinrent, en grand
secret, l’enterrer sous son église de Saint-Géraud dans une crypte secrète…
Et aujourd’hui, oui, aujourd’hui,
les étoiles sont de nouveaux alignées, et Gerbert, depuis quelques années réveillé
de son sommeil millénaire, et gorgé du sang d’innocentes victimes grâce auxquelles
il peut conserver sa vigueur surnaturelle, œuvre en secret au retour de son
maître.
Ainsi, la réfection du clocher
de Saint-Géraud cache en fait la mise au point d’un missile transcontinental
invisible que Gerbert projette de lancer d’ici quelques mois. Ce missile, se
séparant en trois, frappera simultanément les Etats-Unis et la Russie,
déclenchant une riposte immédiate et une guerre nucléaire qui dévastera la terre et
plongera le monde dans une nuit sans fin…
Mais pire encore, le troisième
segment du missile plongera vers l’Océan Pacifique, s’enfoncera sous les flots,
toujours plus profond, jusqu’à frapper la dorsale abyssale et générer une
secousse qui soulèvera hors des abîmes la monstrueuse cité de R’lyeh et libérer
sur ce monde blessé celui qui, depuis si longtemps, attend de remettre ce monde
sous son joug de terreur et de démence…
Maintenant, vous aussi
partagez ce terrible secret…
Ce soir je vais essayer de
mettre un terme à cette démence en m’enfonçant dans les profondeurs insoupçonnées
de Saint-Géraud pour aller y combattre Gerbert le maudit et l’empêcher de
mettre à exécution son projet d’apocalypse…
Si j'échoue et que je disparais, il
vous reviendra de prendre le flambeau.
Car déjà je sens autour de moi
l’ombre se mettre à frémir… Les angles de la pièce se mettre à bouillonner,
une fumée parait en sortir…
Ils m’ont retrouvé, ils sont
là… Gerbert les a invoqués depuis les limbes mathématiques et démentielles où ils
rôdent, affamés, efflanqués et sans repos… Ils ont suivi ma trace à travers les
angles du temps, et maintenant ils m’ont retrouvé… Les chiens de Tindalos !
Oh Seigneur, il faut que je
trace le signe, il faut…
Génialissime !
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